February 26, 2024

IA Générative et conseil : à quoi ressemblera le consultant augmenté de demain ?

Julien Rivière
Responsable Formation, HEC Paris / Sciences-Po Paris
26
February
2024

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Accenture va investir 3 milliards de dollars dans l'intelligence artificielle. Le groupe a annoncé le 13 juin 2023 que cette somme serait dépensée sur trois ans dans sa practice IA et Data. Le cabinet prévoit ainsi de doubler le nombre de ses collaborateurs travaillant sur le sujet pour l'amener à 80 000 via d’importants recrutements, des acquisitions et des actions de formation. Le groupe compte environ 740 000 salariés dans le monde, ce qui signifie que les équipes dédiées à l'IA atteindront environ 10% des effectifs. Selon Paul Daugherty, directeur exécutif d’Accenture Technology, "l’IA générative transformera 40% de toutes les heures de travail".

En effet, les gains de productivité théoriques de l’IA générative sont immenses. C’est ce qu’affirme une étude menée par le BCG Henderson Institute, le think-tank de BCG, par une expérience menée auprès de 758 consultants BCG disséminés dans le monde. L’étude conclut que les gains de performance dus à l’utilisation de l’IA générative sont significatifs dans le domaine de la création : en utilisant GPT-4 dans la réalisation de tâches créatives (comme trouver de nouveaux concepts produits), 90 % des participants ont constaté une augmentation moyenne de leur performance de 40 % comparée à celle des participants réalisant la même tâche sans GPT-4.

Mais selon les données de Syntec Conseil, syndicat professionnel du secteur, l’activité IA ne représenterait aujourd’hui que 4 % de l’activité des cabinets de conseil. Si ce ratio n’était que de 1,7 % il y a un an, cette augmentation relative souligne que les cabinets ne sont pas encore entrés pleinement dans ce nouveau paradigme et pour cause : les cabinets rencontrent beaucoup d’obstacles pour passer des projets théoriques aux gains de productivité réels. En particulier, l’adoption de l’IA générative est freinée par un manque de maturité des outils mais aussi par la barrière que représente cette révolution qui reste avant tout, une révolution technologique orchestrée par des ingénieurs-développeurs.

L’IA générative dans le quotidien du consultant et ses bonnes pratiques : passer des gains théoriques aux gains réels

Sur le plan interne, les consultants vont connaître bien des changements car la donnée et son traitement sont les deux piliers du consultant. Or, l’IA générative traite et restitue de manière appropriée cette ressource pour peu que l’on soit capable de bien s’adresser à elle et bien outillé de surcroît. La réconciliation du métier et de la technique est un prérequis pour créer les outils-terrain dont se dégagent les véritables gains de productivité que promet l’IA générative. Le métier implique de comprendre les attentes, les cas d’usage et les actions chronophages qui peuvent être exécutées au moins partiellement via une requête bien formulée. D’autre part, la technique exige lors de la création d’un outil d’avoir les compétences requises pour construire un outil efficace et crédible palliant les problématiques récurrentes d’hallucinations ou de réponses trop générales et imprécises.

Plusieurs cas d’usage internes ont été identifiés et nous vous en livrons les bons usages qui feront du consultant un consultant augmenté.

1-     Compte-rendu de réunions ajustable

En moyenne, un consultant entre en réunion 2 à 4 fois par jour. Un associé peut facilement dépasser les 6 réunions lors des journées les plus chargées au cours desquelles il doit toujours veiller à la bonne conduite des missions dont il a la charge. Un compte-rendu ou des notions succinctes sont toujours prises afin de garder une trace des échanges, en particulier lorsqu’un consultant se trouve avec un client. Tenu de bien saisir le propos, cette tâche peut facilement dépasser la demi-heure de travail.

Ce cas d’usage peut être résolu par un outil qui s’intègre aux logiciels de réunion et qui propose un résumé de cet entretien. Néanmoins, nos nombreux échanges avec les consultants nous permettent de savoir qu’un compte-rendu unique proposé n’est jamais satisfaisant. Il y a autant de compte-rendus possibles que de consultants. C’est pourquoi, l’outil de réunion pertinent retranscrit l’entretien via une technologie speech-to-text et permet de prompter, c’est-à-dire de modifier via une requête à une IA, un compte-rendu de réunion pour qu’il s’approche de celui qu’un consultant aurait réalisé ex-nihilo. Nous estimons passer ainsi d’une demi-heure de rédaction à 5 minutes.

2-     Knowledge Management optimisé

Quotidiennement, les consultants pestent devant une barre de recherche sharepoint incapable de leur fournir clairement l’information ou le document qu’ils recherchent. Alors que des équipes de fonction support y sont entièrement dédiées, aucun cabinet n’avait jusqu’à l’arrivée de IA générative un moyen simple d’optimiser ses recherches. L’IA générative est capable de retrouver des informations précises d’un document, de comprendre leur utilité pour la requête adressée et ainsi de proposer une liste de documents correspondants au besoin exprimé. Nous estimons cependant qu’au-delà de 50 000 documents, les recherches deviennent plus imprécises, même augmentées d’un index d’IA générative. Chaque base de données ayant son découpage propre, un produit sur-étagère vraiment efficace est très difficile à construire. L’indexation dépendant de la nature de la base de données et l’algorithme perdant de sa performance au fil des nouveaux documents ajoutés, une étude de la base de données et une maintenance sont nécessaires pour obtenir l’outil de knowledge management qui dégage des gains de productivité game-changer pour un cabinet.

3-     Extraction d’informations ciblées

Un consultant manipule dans son quotidien une très grande quantité de documents. Sa valeur ajoutée consiste pour les généralistes à aller chercher les bonnes informations et à rapidement les assimiler lors de l’onboarding de la mission. L’acquisition des connaissances étant clef, l’extraction précise d’informations est un gain significatif qu’apporte l’IA générative. Si des outils qui permettent de dialoguer avec des PDF sont utiles, ils deviennent vite limités pour un consultant dont le volume de documents dépasse souvent la limite imposée par ces outils. De plus, les recherches via ces outils sont imprécises dans la mesure où la technologie utilisée pour cette fonction ne permet que de poser un certain type de questions en évitant les sources transverses. Ce sont les limites des technologies actuelles que l’on appelle le RAG : si elles permettent via un prédécoupement d’un document dans une base de données d’aller y chercher des informations, si ces dernières sont éparpillées, l’output est très imprécis. C’est pourquoi, notre extracteur de données a fait l’objet de recherches avancées pour être capable d’obtenir des résultats plus précis, sourcés, sur un volume de documents bien plus conséquent.

4-     Traduction de documents

Les consultants sont à l’aise avec l’anglais, mais dès qu’il s’agit d’autres langues vivantes ou de devoir traduire manuellement un document, la traduction à l’ère de l’IA générative devient un vrai avantage compétitif. Certes, des outils comme Deepl existent et permettent de traduire directement des documents complets. Les livrables des consultants peuvent ainsi y trouver une solution pertinente, mais derrière DeepL se cachent des années de développement tandis qu’il n’a fallu à nos équipes que quelques semaines pour développer un outil performant similaire grâce à l’IA générative. Capable de respecter les formats de documents et déployé sur serveurs privés, l’outil de traduction efficace est aujourd’hui bien plus simple à concevoir grâce à l’IA générative.

5-     La note de synthèse simplifiée

Nombreux sont les consultants à devoir préparer, selon le secteur, des notes de synthèse répondant souvent aux mêmes canons. Ces notes sont obtenues en cherchant des informations que le consultant récupère souvent dans des documents récurrents : analyses financières, rapports d’activité, contrats... Un outil plus avancé consiste à uploader plusieurs documents dans lesquels une IA cherche les informations toujours demandées afin de rédiger une note qui aurait pu prendre une heure en temps normal.

De multiples gains de temps incrémentaux peuvent donc être constatés dans des tâches quotidiennes du consultant. Néanmoins, nous avons peu de réponses sur ces gains de productivité théoriques qui ne deviendront réels que lorsque deux mondes se seront croisés : le métier et la technique.

Les missions de conseil à l’heure de l’IA générative : comment passer des slides à une véritable proposition de valeur pour ses clients

Concernant la demande-client, les demandes d’accompagnement sur des projets incluant l’IA générative deviennent récurrentes mais elles trouvent peu de réponse qui allient l’expertise métier et l’expertise technique.

Si la formation des consultants généralistes est incontournable, de nombreux grands cabinets de conseil en stratégie choisissent alors de développer en interne des compétences technologiques plus avancées. Cela se fait principalement par l'acquisition de cabinets spécialisés en Data Science et IA, comme Bain et Kearney l'ont fait en 2019. Certains ont également créé leur propre laboratoire de données ou des équipes technologiques, comme le BCG avec BCG X. Les cabinets de taille plus réduite choisissent plutôt des voies de co-mandats en renforçant des joint ventures à l’image d’Eurogroup avec La Javaness.

Cette volonté de monter en compétence souligne un élément important que les consultants devront intégrer : l’IA générative est avant toute chose une technologie. Ce n’est pas peu de le dire à l’ère des slides et des « experts en tout », mais les cabinets manquent d’ingénieurs et de développeurs mobilisables pour leurs clients. Or, comme les missions émises appellent toujours à une réponse sur-mesure avec un début expérimental, l’exploration par des équipes techniques est nécessaire.

Notre cœur technique et l’expérience de plusieurs mois de missions de conseil sur l’IA générative nous permettent de livrer ainsi les étapes par lesquelles les consultants devraient aujourd’hui passer pour répondre à la demande de leurs clients :

1-     L’acculturation : les projets pertinents ne peuvent pas naître dans la mesure où le client ne saisit pasla rupture que représente l’IA générative. Acculturer ses clients est devenu récurrent pour Delos avant de commencer une démarche d’audit pertinente.

2-     L’identification des cas d’usage : chaque secteur et chaque entreprise a des cas d’usage en tête. Les recueillir via des entretiens et des consultations de groupe permet de lancer plusieurs projets.

3-     Les études de faisabilité et roadmap : la technique entre vraiment en jeu au moment où les projets identifiées doivent être sélectionnés s’ils se révèlent faisables. Chaque projet lié à l’IA générative exige du développement et engendre des coûts d’exploitation avec une valeur ajoutée qui n’est pas systématiquement game changer pour des prix injustement demandés. L’étude de faisabilité couplée à la roadmap guide le client dans les bons choix.

4-     Les POC : une fois les projets les plus rentables et pertinents identifiés, le test via un POC (proof of concept) valide l’intérêt du projet et la capacité des équipes techniques à poursuivre un projet.

5-     L’industrialisation : souvent suite à l’approbation du POC par le management group, l’outil ainsi mis au point est déployé.

6-     La maintenance et la mise à jour : chaque semaine, de nouvelles applications d’IA générative apparaissent et rebattent les cartes dans un secteur. Prévoir la maintenance pour mettre à jour un outil afin qu’il demeure comparativement efficace est une pratique que nous systématisons avec nos clients.

En conclusion, un consultant augmenté de l’IA générative verra le jour dans les années à venir. Ses cas d’usage du quotidien sont nombreux en plus des demandes croissantes de ses clients pour inclure a minima la compréhension des enjeux et l’architecture de projets liés à l’IA générative. Forts de plusieurs mois d’expérience avec les cabinets de conseil, nous pouvons déduire que les gains théoriques de l’IA générative ne se traduiront par de réels gains de productivité qu’en allant au-delà d’outils génériques. C’est en privilégiant l’usage d’outils-métier pensés par rapport au terrain, quitte à accepter de rentrer dans des démarches de demi-mesure, que les cabinets tireront partie de ce que Bill Gates compare à l’invention du micro-processeur et du téléphone portable.

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